Les Grands-Châtillons

Les Grands-Châtillons

Maison de maître
Genthod GE

Les Grands-Châtillons Les Grands-Châtillons

Une histoire des maisons déplacées ressemblerait à une revanche de la nostalgie. Celle de la maison Senn, qui passe de l‘ancienne banlieue des Eaux-Vives aux hauteurs de Genthod en 1907, est la conséquence du coup de cœur profond d’une aristocrate qui ignore tout de la lutte des classes. Qu'importe si le constructeur, le bourgeois François-Louis Senn (1732-1808) appartenant au "clan des indienneurs" est l'un des artisans de la Révolution de 1782 à Genève, qu'importe s'il est exilé, la maison qu'il fait édifier en 1781 a bien l'apparence des maisons patriciennes avec son ordre ionique, son fronton cintré tourné vers le lac et son escalier à double rampe.

Théodora de Saussure, veuve d'Edmond De la Rive, fait acheter la maison et confie à l'architecte Edmond Fatio, excellent connaisseur des maisons de maître de Genève, le soin de réaliser son rêve : vivre comme au XVIIIe siècle, face au Mont-Blanc et au-dessus du lac. La maison rebaptisée les « Grands-Châtillons » en a le style, la position et la beauté; implantée à une époque où les grandes parcelles avec vue sur le lac se font plus rares, elle n'est jamais rattachée à un domaine agricole comme ses consœurs de la campagne genevoise du XVIIIe siècle.

Dès 1907, l'architecte fait démonter et remonter la maison pierre par pierre, tandis que s'édifie à son emplacement l'école des Eaux-Vives dans le goût Heimatstil. À Genthod, le terrain est plus pentu et il implique de rebâtir la maison à cheval sur deux niveaux en redistribuant les espaces intérieurs. Edmond Fatio compose un nouveau jardin et dessine deux pavillons symétriques reliés entre eux par des murs de pierre de Meillerie, qui sont en quelque sorte sa signature. Pour sceller l'opération, les armes de Saussure et De la Rive sont sculptées sur le fronton, soulignées par les dates de 1781 et 1908.  

Un siècle plus tard, en 2008, Natalie et Jean Keller, qui héritent du domaine entré dans la famille Keller en 1946, entament de gros travaux de restauration en portant une attention particulière aux choix des matériaux, principalement pour la réfection de la toiture et des façades. À l'intérieur, la maison est réadaptée aux besoins actuels d'une famille tout en maintenant la disposition et les décors des pièces majeures. Les jardins font également l'objet de réaménagements.