À l’angle des rues de la Cité et de la Tertasse on peut admirer l’Hôtel Lullin-de Saussure, considéré par les voyageurs du XVIIIe siècle comme le plus somptueux de Genève. Sa construction marque le point de départ d’une urbanisation progressive du front méridional de la ville qui aboutit à l’émergence d’un véritable quartier patricien.
Son attribution à l'architecte Joseph Abeille est aujourd'hui remise en question. L'hôtel est érigé entre 1707 et 1710 à l'initiative du puissant banquier Jean-Antoine Lullin – Camp (1666-1709). Il se substitue à deux anciennes maisons, dont une vendue à Lullin en 1706 par le grand-père de Jean-Jacques Rousseau. Cet emplacement, alors en périphérie du tissu urbain, permet à l'édifice de se déployer en profondeur, entre une cour et une terrasse dévolue au jardin. Le chantier bouleverse les alentours, provoquant la destruction d'une tour porte médiévale et la rectification de la rue de la Tertasse.
Alors que le plan en U, emprunté aux hôtels parisiens, éloigne l'habitation des nuisances de la rue pour l'orienter vers le jardin, l'implantation en haut de la terrasse met en évidence la façade d'apparat qui donne sur la Corraterie. Son traitement en ordre colossal de pilastres et de colonnes ioniques semble annoncer la demeure d'un grand seigneur.
En réalité, cette maison, qui reproduit jusque dans ses moindres détails la disposition classique d'un hôtel particulier parisien, fonctionne dès le départ comme immeuble de rapport. La famille Lullin met en location les étages en se réservant le rez-de-chaussée avec le jardin. En plan, l'axe central de la demeure est tracé par le portail, le vestibule et le grand salon. La beauté de la cour d'honneur, la présence d'un grand escalier d'apparat, la distribution savante des pièces et leurs décors, dont des boiseries sculptées par l'ornemaniste Jean Jaquet (au 1er étage), attirent des locataires de marque, tels que le comte de Marsay, représentant du roi d'Angleterre.
L'hôtel reviendra à la famille Boissier par mariage avant qu'il ne soit transmis aux Saussure. Il a fait l'objet d'importants travaux de restauration (charpente, couverture, façades) de 2010 à 2014, alors que des travaux de décoration ont été réalisés au 2e étage de 2015 à 2017 et qu'un aménagement des combles est prévu.