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Journée Domus Antiqua Helvetica - Vaud accueil Fribourg – samedi 1er octobre 2022

24 octobre 2022 - Pierre-Yves Tribolet

Le château de Hauteville, avant rénovation  (Crédit photo : Hdvwiki — Travail personnel, CC BY-SA 4.0)
Le château de Hauteville, avant rénovation (Crédit photo : Hdvwiki — Travail personnel, CC BY-SA 4.0)

Quel bonheur pour le tout nouveau président de la section VD de DAH de recevoir le téléphone du trésorier de la section FR, Paul Dubs, un ami cher depuis très longtemps, qui l’informe que l’Assemblée générale de sa section a décidé de perpétuer sous le règne de leur nouveau président, Julian James, une déjà longue tradition : se faire inviter par d’autres sections de DAH afin de découvrir des lieux inconnus, des traditions architecturales différentes, mais surtout des membres d’autres sections, seulement connus, pour certains d’entre eux, parfois, lors des Assemblées générales suisses.

L’affaire est rondement menée et après quelques hésitations sur la date, c’est rapidement qu’une invitation de la section VD est envoyée à ses membres et à la section fribourgeoise pour une découverte des « campagnes de la Riviera » le samedi 1er octobre 2022.

La Riviera vaudoise s’étend, grosso modo, de Lausanne à l’extrémité est du lac Léman. Elle doit son nom de Riviera, en écho à la Côte d’Azur, à la douceur du climat, même si, en ce 1er octobre, cette légendaire douceur avait fait place à un ciel bas, une pluie fine et froide et un brouillard tenace. Lieu touristique incontournable depuis le célèbre baiser derrière les buissons longuement décrit par Jean-Jacques Rousseau dans sa « Nouvelle-Héloïse » publié en 1761, il y a tout juste 250 ans, la Riviera est devenue un repaire de célébrités. C’est également à l’époque de ce baiser, que les « campagnes » du XVIIIème siècle fleurissent dans la Riviera. Ces résidences, souvent d’été, sont construites par les notables de Vevey et se veulent, par leur raffinement « à la française », à l’image de leurs ascensions sociales. Ces demeures souvent embellies et largement développées vers le milieu du XVIIIe s. s’ancrent, en général, sur des places fortes du milieu du siècle précédent, leur apportant la modernité, le confort et les usages, provinciaux, découlant de la cour de Louis XV.

C’est le cas des deux campagnes qui figuraient au programme : Le château d’Hauteville et La Doges, toutes deux situées à une encablure au-dessus de Vevey.

Départ à 09h00 à leur rencontre en bus, car ces campagnes n’ont pas de parking, depuis la légendaire place du Marché à Vevey, offrant nombre de produits du terroir fribourgeois.

Présente depuis le Moyen-Âge, la bâtisse d’Hauteville est acquise en 1760, juste avant le baiser, par Pierre-Philippe Cannac, bourgeois de Vevey et de Genève, qui a fait fortune comme directeur des coches de Lyon. Afin de conférer à son nouveau domicile tout le lustre que mérite son état de fortune, il agrandit la maison seigneuriale de 1630 et la transforme entre 1760 et 1768 en un vaste château flanqué de deux ailes en retour d’équerre qui délimitent une ample cour d’honneur. Sa fille unique, Victoire, qui épousera Daniel Grand de la Chaise (1761-1828), issu d’une ligne de banquiers parisiens anoblis en 1781,  hérite du domaine en 1794. C’est alors que le jeune couple décide de prendre le nom de Grand d’Hauteville. La propriété, restée dans la même famille jusqu’à l’aube du XXIe s. est rachetée en 2018 par la Pepperdine University, basée à Malibu en Californie, mais déjà présente en Suisse à Lausanne. Après de mémorables ventes aux enchères du mobilier à Londres et dans le château, les travaux de restaurations commence alors sous la direction de l’architecte Nicolas Delachaux.

C’est lui-même et son assistant qui font découvrir le château et ses dépendances aux 43 membres Domus présents, accueillis par les dirigeants de la Pepperdine University dans la grange, qui sera transformé en théâtre au cours de la deuxième phase de restauration et qui abrite en ses sous-sols le système de chauffage à briquettes de bois. L’accent est mis lors de la présentation sur la volonté de rétablir l’environnement du XVIIIe s. dans les jardins, en agrandissant la vigne et en replantant le verger. Après une balade dans le parc et la découverte du système d’évacuation des eaux claires par absorbement partiel,  bravant la boue et les gravats, un tour complet du château est entrepris, avec, en premier lieu une visite de l’orangerie et du bucher, qui abriteront les chambres du directeur et des étudiant(e)s ainsi que le réfectoire d’une capacité de 130 places. C’est le président de Domus FR lui-même, Julian James, qui nous présente la restauration des façades de la cour d’honneur, en U, complétement décorées de fresques. Une trentaine de restaurateurs ont travaillé cet été de concert pour la conservation des quelques 1500 m2 de fresques sur les murs extérieurs du château. Le château lui-même, reposant sur d’imposantes caves voûtées servant alors au pressage du vin et à son stockage en barriques, comprend maintenant trois étages. Les salles de réception du rez-de-chaussée, avec son imposant salon décoré des fresques de Joseph Ignaz Appiani, un peintre du nord de l’Italie, sont présentées par Christophe Fasel, conservateur-restaurateur de peintures murales. Le premier étage et les combles sont en cours d’aménagement en chambres-dortoirs, assez spartiates, avec salles d’eau communes à l’étage, pour les quelques 80 étudiants, qui fréquenteront ce lieu chargé d’histoire à partir de septembre 2023. Il sera ouvert au publique pour son inauguration le dimanche 9 juillet 2023. 

Le château étant un espace sans voiture, et donc sans parking, le groupe reprend le bus pour aller déjeuner au restaurant Le Chalet du Mont-Pèlerin pour un repas « entre Fribourg et Vaud », entre le gruyère et les poissons du lac. En effet, entre lac, montagnes et vignobles, la Riviera se présente comme un paysage de carte postale. Ainsi, malgré le temps maussade, ce slogan publicitaire pouvait être vérifié depuis ce magnifique lieu surplombant la ville de Vevey.

La Doges (Crédit photo : Patrimoine suisse, section vaudoise )
La Doges (Crédit photo : Patrimoine suisse, section vaudoise )

En quatre visites guidées successives, organisées notamment par les intendants de la Doges eux-mêmes, la découverte de cette autre campagne de la Riviera figurait au menu de l’après-midi. Le bâtiment principal, offrant une vue panoramique sur le lac Léman, à l’origine essentiellement à vocation rurale, est construit en 1663. Une campagne de travaux, en 1765-1768, en même temps que le château de Hauteville, va l’agrandir pour la transformer en maison de maître en doublant sa superficie et créer deux pavillons symétriques coiffés d’un toit Mansart qui marquent dès lors l’entrée de la cour.  C’est Abram-François de Palézieux dit Falconnet, de Vevey, qui l’acquiert en 1821 et dont la famille en sera propriétaire jusqu’en 1963. Le dernier représentant, Jean de Palézieux épouse en 1944 Odette Favre, de Nyon. Celle-ci, devenue veuve en 1957, se remarie en 1963 avec le futur ambassadeur André Coigny. Par testament, André Coigny, décédé le 25 novembre 1997, lègue le domaine de La Doges à la Société d’art public, devenue la section vaudoise de Patrimoine suisse (Heimatschutz) en 2008, dont la présidente vaudoise, Béatrice Lovis, présentait en personne aux divers groupes les activités à la fin de la visite. Le domaine dans son entier comprend plus de 65 000 m2 de terrain arborisé d’essences diverses, dont 17 000 m2 de vignoble (légué à la Confrérie des vignerons de Vevey).

La Doges est le témoin d’une habitation bourgeoise des siècles passés, selon les vœux des légataires. Dans cet esprit, la demeure aux allures de château a été transmise avec le mobilier et les objets faisant partie de la vie quotidienne des familles aisées vaudoises ayant vécu aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles.

Réchauffés par cette ambiance feutrée, les participants se retrouvaient à la fin de la visite dans la grange/pigeonnier pour l’apéritif de clôture où étaient évidemment servis les vins du domaine.

Retour en bus sous la pluie mais le cœur et l’esprit ensoleillés pour se quitter à Vevey vers 17h30 en attendant d’autres rencontres Domus. Bravo à Domus FR pour cette belle initiative.